Interview exclusive de Kimberlin Brown : "Sheila a tant de défauts qu'elle accepte ceux des autres !"

L'actrice Kimberlin Brown, qui interprète le rôle de Sheila Carter depuis 1990, était à Paris récemment et Philémon a eu le plaisir de l'interviewer pour Soap-Passion !

Kimberlin Brown fait partie des quelques acteurs dont le personnage a basculé plusieurs fois d'une série à l'autre entre les Feux de l'Amour et Amour, Gloire et Beauté / Top Models, deux séries créées par Bill Bell Sr. et Lee Phillip Bell. Nous avons souhaité l'interroger sur son parcours d'actrice, son personnage iconique de Sheila Carter et son regard sur l'évolution du monde des soaps depuis plus de 30 ans.

Le personnage de Sheila Carter a été créé dans les Feux de l'Amour ("The Young and The Restless" en version originale) en 1990, puis a migré vers Amour, Gloire et Beauté / Top Models ("The Bold and The Beautiful" en version originale) dès 1992. Sheila a ensuite navigué d'une série à l'autre au fil des années.

1. Kimberlin Brown, l'actrice

Soap-Passion : Dans votre jeunesse, vous rêviez de devenir architecte, vous êtes comédienne, agricultrice et femme politique. Dans laquelle de ces activités vous reconnaissez-vous le plus ?

Kimberlin Brown : Ma passion pour l’architecture et le design vient de l’époque où je travaillais comme mannequin en Europe et plus particulièrement ici, à Paris. Je suis tombée amoureuse de l’architecture de cette ville car nous n’avons rien de tel aux États-Unis. Ma passion pour la création m’a conduite là où je suis aujourd’hui. Je n’avais jamais imaginé devenir actrice puisque je rêvais de devenir architecte, mais ma carrière de mannequin m’a entraînée dans une autre direction.

S-P : Vous avez bien évidemment, incarné d'autres personnages que Sheila (juge, médecin, et même une amie de Madonna…) Quel type de personnage que vous n’avez jamais fait auriez-vous envie de jouer aujourd'hui ?

KB : J’ai toujours eu envie de jouer dans un western. J’ai grandi en Californie du Nord et passé mon enfance à la campagne, à monter à cheval, rassembler du bétail etc. C’est intéressant de noter que tous ces savoir-faire que j’ai acquis enfant, je ne les ai jamais utilisés en tant qu’actrice. Or ce serait complètement naturel pour moi puisque je sais tirer, monter à cheval et tout le reste, donc j’aimerais beaucoup utiliser ces compétences dans un film. De plus, les westerns redeviennent très populaires en Amérique, grâce à la série "Yellowstone" entre autres. Donc les opportunités existent et j’attends qu’on me propose un rôle !

S-P : Nous adorerions vous voir dans ce genre de production !

KB : Oui, quand on regarde les vieux films de Clint Eastwood ou les " westerns spaghetti " tournés en Italie… J’adorerais venir en Europe pour tourner dans ce genre de production. J’irais n’importe où sur la planète pour tourner un western !

2. Sheila Carter, le personnage

S-P : Nous allons à présent parler de Sheila, que nous aimons tous détester bien sûr, grâce au travail des scénaristes mais surtout grâce à vos prestations…

KB : Merci ! Cela prouve que je fais bien mon travail !

S-P : Vous avez dit lors d’une interview donnée à Michael Fairman, qu’en 1990, vous vous êtes inspirée de l'actrice Katie Bates jouant la terrifiante Annie Wilkes dans le film "Misery", pouvez-vous nous en parler et pensez-vous que de jeunes actrices d’aujourd’hui s’inspirent de vos performances en tant que Sheila Carter ?

KB : La raison pour laquelle Katie Bates m’est venue à l’esprit, c’est qu’à l’époque quand je me suis présentée pour l'audition, je devais donner la réplique à Peter Barton, qui jouait Scott Grainger Sr.. Je suis entrée dans la salle et il y avait les producteurs, Bill Bell et Lee Phillip Bell qui étaient présents ce jour-là. Il y avait également Edward J. Scott, le producteur exécutif (NDLR : et mari de Melody Thomas Scott). Il se trouve que trois ans plus tôt, j’avais auditionné pour le rôle de Cassandra Rawlins dans les Feux de l'Amour. Je n’ai pas obtenu le job et quand Joan Newton, la directrice de casting m’a appelée pour le rôle de Sheila Carter, j’ai refusé car je voulais reprendre mes études et devenir architecte. Elle m’a alors expliqué qu’il s’agissait d’un rôle qui ne durerait que trois mois et que cela m’aiderait à financer mes études. J’ai finalement accepté car j’avais déjà décidé d’arrêter le mannequinat. Quand Ed Scott m’a vue, il s’est souvenu de moi et de mon audition pour le rôle de Cassandra . Il m’a alors conseillé de ne pas avoir peur de faire quelque chose de différent. Il m’a suggéré de m’inspirer de Katie Bates dans "Misery" : Annie Wilkes vous aime tellement qu’elle est prête à vous casser les chevilles à coups de batte de baseball pour vous garder près d’elle ! Se voir donner ce genre de conseil par un professionnel avant une audition est un véritable cadeau ! C’est le moment où j’ai compris que j’avais le droit de ne pas me censurer, d’être différente, bizarre et imprévisible.

S-P : Ed Scott vous a donné une clef !

KB : Oui, tout à fait. J’ignore s’il a dit la même chose à tous les acteurs qui auditionnaient ce jour là, mais il a trouvé les bons mots car j’avais adoré la prestation de Katie Bates dans "Misery". C’est le meilleur conseil qui m’ait jamais été donné par un producteur exécutif.

S-P : Sheila est l'une des "méchantes" les plus connues du monde des soaps, pourtant des hommes tombent toujours amoureux d'elle. Comment fait-elle ?

KB : Je pense que c’est parce que quand Sheila tombe amoureuse, elle l’est vraiment. Elle ferait n’importe quoi pour la personne qu’elle aime. Je crois que quand un homme tombe amoureux, il veut qu’on l’aime sans condition, en dépit de ses défauts. Or, Sheila a tant de défauts qu’elle accepte et comprend ceux des autres. Elle est capable de vous aimer et de vous prendre comme vous êtes, sans chercher à vous changer, c’est une des qualités qui la rendent aimable. Sheila ne tombe pas amoureuse de n’importe qui, ce sont toujours des gens qui voient cette qualité en elle et laissent la porte ouverte. Elle saisit l’opportunité quand elle se présente, et ce sont toujours les femmes qui lui ferment la porte à la fin et la privent de son bonheur. Par exemple, Stephanie Forrester (Susan Flannery), qui ne voulait plus entendre parler d’Eric Forrester (John McCook), jusqu’au moment où Sheila est entrée dans sa vie ! Ou Lauren Fenmore (Tracey E. Bregman), qui était en froid avec son mari, Scott Grainger Sr., jusqu′à ce que Sheila commence à s’intéresser à lui. Je pense que dans la vraie vie cela arrive souvent. Quelqu’un est amoureux de vous mais ne se décide à le montrer que quand une autre personne s’intéresse à vous. Les hommes sont attirés par Sheila parce qu’elle les accepte comme ils sont, sans chercher à les transformer en ce qu’elle croit qu’ils pourraient être.

S-P : Bref, elle n’est pas comme Katie (Logan)…

KB : Non, elle n’est vraiment pas comme Katie (Heather Tom) ! (Rires…)

S-P : Dans "Amour, Gloire et Beauté / Top Models", le personnage de Quinn Fuller a connu une rédemption grâce à l’amour d’Eric Forrester. Pensez-vous qu'une telle rédemption soit possible pour Sheila ?

KB : Je crois que c’est tout à fait possible, comme pour tout le monde. Il faut pour cela amener les gens qu’on a pu blesser dans le passé à vous voir comme une nouvelle personne, tel est le défi. Sheila a essayé de changer pour faire partie de la vie de son fils, mais Steffy (Jacqueline MacInnes Wood) ne veut voir que son passé et considère qu’elle ne changera jamais. Elle oublie qu’elle a elle-même tiré sur Sheila, elle oublie ses propres fautes passées. Sheila n’a pas déposé de plainte auprès de la police pour une seule raison : Son amour pour Eric, qui lui a demandé de ne pas le faire. Sheila a une grande capacité à pardonner, elle ferme les yeux et passe à autre chose. Ces sacrés Forrester à l’inverse ne tournent jamais la page ! (Rires…) Même Quinn (Rena Sofer), elle a fait des choses terribles et s’est très mal comporté avec Eric. Sheila n’aurait jamais fait cela, mais c’est toujours à elle qu’ils s’en prennent…

S-P : Toujours dans "Amour, Gloire et Beauté / Top Models", la période 2017–2018 a déçu les fans car on y voyait une sorte de " Sheila Carter Light ", qui n’était pas assez méchante ou effrayante pour être la "vraie" Sheila. Qu’avez-vous pensé des storylines de cette époque ?

KB : La série obtient toujours de bonnes audiences quand mon personnage est de retour. Je pense que les fans attendent quelque chose de spécial quand on fait revenir Sheila. Mais la production a mis un terme à la storyline prématurément…

S-P : Oui, quand cela s’est arrêté, Sheila était serveuse au Giardino, et puis plus rien ! En tant que fan, c’est très frustrant…

KB : Une des raisons de cette situation est que j’étais candidate aux élections législatives à cette époque. La production pensait que j’avais de bonnes chances d’être élue et cela leur aurait posé un gros problème. Ils ont préféré prendre les devants et tout stopper avant l’élection, plutôt que prendre le risque de se trouver bloqué au milieu d’une énorme storyline. C’était probablement une bonne décision sur le plan business, mais la façon abrupte dont cela s’est arrêté a choqué tout le monde, y compris moi-même…

S-P : Depuis 2021 à l’inverse, on a retrouvé la véritable Sheila, imprévisible et dangereuse, mais aussi émouvante dans sa quête d’amour et de reconnaissance. Vos scènes avec Deacon et Bill étaient merveilleuses, pouvez-vous nous parler de votre travail avec Don Diamont et Sean Kanan ?

KB : Merci beaucoup… Don (Diamont) et moi nous connaissons depuis très longtemps, puisque nous étions ensemble dans les "Feux de l'Amour". La première fois que j’ai travaillé avec Don, c’était une scène où je prenais des photos de Brad Carlton au lit avec Lauren. J’en avais fait un puzzle que j’envoyais pièce par pièce à Lauren, pour qu’elle sache que quelqu’un était au courant qu’elle trompait Scott. Mais j’ai tourné peu de scènes avec lui dans les Feux de l'Amour, je crois qu’il n’y en a qu’une où nous nous parlons. C’est intéressant d’observer le passage d’un acteur des "Feux de l'Amour" à "Amour, Gloire et Beauté / Top Models", il y a aussi Heather Tom qui joue aujourd’hui Katie Logan après avoir incarné Victoria Newman. C’est donc la première fois que je travaille véritablement avec Don, et nos scènes sont très exigeantes. Je ne sais pas si je peux vous révéler tout ce qui va se passer car ça n’a pas encore été diffusé en France, mais il va y avoir du suspense et des surprises. Travailler avec Don fut fabuleux, vraiment… J’aurais aimé aller encore plus loin, et peut-être dans une direction un peu différente, car c’était la première fois qu’ils mettaient ensemble deux personnages capables du pire, et les possibilités sont immenses ! Il n’y a pas de limite à ce que pourraient faire ces deux personnages ensemble. Bill Spencer a l’argent et le pouvoir nécessaire pour aider Sheila à se venger de tous ceux qui lui ont fait du mal. Je vous laisse imaginer…

Concernant Sean Kanan, nous nous connaissons depuis de nombreuses années. Nous habitons tous les deux Palm Springs, nous allons ensemble au boulot avec sa femme Michelle, nous sommes amis. Travailler avec lui a été merveilleux. Quand les scénaristes ont commencé à écrire nos scènes ensemble, ils ont fait de Deacon Sharpe un personnage très similaire à Mike Guthrie (Ken Hanes)… J’ai donc dit à Sean que nous devions trouver quelque chose de différent. J’essaie toujours de jouer une Sheila différente en fonction des personnages qui entrent dans sa vie. J’ai fait remarquer à Sean que la face plus lumineuse, sympathique et aimante de Sheila n’avait jamais été montrée. Je voulais donc plaisanter et rire avec Deacon parce que Sheila est toujours terriblement sérieuse. Sean était enthousiaste et nous avons vécu des moments drôles, comme ceux qu’on peut vivre dans la réalité avec ses amis. Nous avons une vraie complicité !

S-P : La scène où Deacon offre à Sheila une soirée en amoureux au Giardino, après la fermeture, était très poétique et émouvante…

KB : Oui, c’était vraiment touchant, personne n’avait jamais fait un tel cadeau à Sheila… Il y a une véritable alchimie entre nos personnages.

S-P : En trente ans, Sheila a eu cinq enfants dans les deux séries. Aimeriez-vous tourner une grande réunion de famille avec eux tous, sachant qu’ils n’auraient pas que des choses gentilles à dire à leur mère ?…

KB : C’est sûr qu’ils n’auraient pas que des choses sympa à lui dire… Je pense que Sheila leur demanderait pardon. Elle n’a jamais été très douée pour leur dire combien elle les aimait, car à chaque fois qu’elle s’est autorisée à être honnête et à montrer sa vulnérabilité, elle en est sortie blessée. On ne sait pas ce qui s’est passé dans la jeunesse de Sheila, pour faire d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Elle a probablement vécu quelque chose d’horrible pour devenir ainsi. Elle n’est pas méchante juste pour être méchante, elle a toujours voulu être aimée. Si une telle réunion se produisait, Sheila essaierait probablement d’expliquer à ses enfants le pourquoi de son comportement présent et passé. Elle leur dirait que le temps change les gens et espérerait qu’avec le temps, ils trouvent en eux le moyen de lui pardonner… elle veut sincèrement qu’on l’aime !

S-P : Nous le savons bien, d’ailleurs la fin de la storyline dans laquelle Bill et Ridge complotent contre Sheila avec l’appui du FBI était très triste, très rude…

KB : Alors c’est que j’ai joué mon rôle comme il faut. Quand nous avons travaillé sur les dialogues avec Don je l’ai prévenu que j’allais faire en sorte que le public se sente triste pour moi. Je lui ai dit que j’allais le faire passer pour le méchant de l’histoire, et ça a fonctionné. Une fois de plus, un personnage a trahi Sheila alors qu’elle lui faisait confiance et qu’elle lui avait ouvert son cœur !

S-P : Aimez-vous tourner des "catfights", comme avec Lauren, Quinn ou plus récemment Li Finnegan ?

KB : Quand j’étais plus jeune, je tournais toujours mes cascades moi-même. Pour la dernière bagarre en date, celle avec Li (Naomi Matsuda), nous avions deux prises jouées par des cascadeuses. Ce qui est bien quand on dispose d’une équipe de cascadeuses, c’est qu’elles nous montrent comment jouer la scène, comment exécuter les bons gestes. Ensuite nous essayons de les refaire au mieux et c’est au montage qu’on décide quels morceaux on garde parmi tout ce qui a été tourné. Pour cette scène avec Li, on a finalement gardé ce que Naomi Matsuda et moi-même avions joué. J’aime bien faire ce genre de scène car cela me fait sortir de ma zone de confort. Il y a beaucoup d’adrénaline, il faut exécuter des gestes très précis en fonction des angles de caméra. C’est un défi et j’adore les défis ! Je pense que si  Naomi Matsuda était ici, elle vous dirait la même chose. Nous nous sommes beaucoup amusées ce jour-là. Nous avons essayé de rendre la scène la plus réaliste possible, mais sans se blesser… Sur le moment, on ne sent pas les bleus et les bosses qu’on se fait !

S-P : Quels ont été les moments les plus compliqués ou difficiles à jouer au cours de votre longue carrière dans les soap-operas ?

KB : La scène la plus difficile que j’aie eue à faire, la seule que je ne voulais pas jouer d’ailleurs, c’est quand ils m’ont demandé de faire disparaître la tache de naissance du bébé de Lauren, pour ensuite prétendre que c’était le mien… Je me suis dit qu’après une telle horreur sur un bébé, tout le monde allait me détester ! La production m’a répondu que c’était exactement ce qu’ils voulaient, et en effet, quand l’épisode est sorti, ils ont reçu des appels de menace au studio ! Ils m’ont téléphoné et m’ont demandé de ne pas trop sortir de chez moi pendant une semaine car certaines personnes étaient vraiment furieuses ! Je leur ai rappelé que je les avais prévenus mais ils m’ont dit que c’était excellent pour l’audience ! (Rires…) Les choses se sont calmées au bout d’une semaine et quand les gens ont vu l’amour que j’éprouvais pour cet enfant, ils m’ont pardonnée. Ils savent que Kimberlin ne ferait jamais cela, mais que Sheila en est capable. Elle a bien été capable de se couper elle-même un orteil !

S-P : C’est incroyable, cette idée de l’orteil coupé…

KB : Oui, je leur ai dit qu’on aurait dû carrément filmer la scène, cela aurait été un moment incroyable !

S-P : Pas sûr que le public soit prêt à voir ça ! Ce doit être affreusement douloureux !

KB : Oui ! (Rires…) D’ailleurs vous pouvez voir que je porte des chaussures fermées car je ne veux pas vous dégoûter avec mon orteil manquant !

3. Les "Feux de l'Amour" et "Amour, Gloire et Beauté / Top Models", les séries

S-P : Vous avez travaillé dans Les "Feux de l'Amour" et "Amour, Gloire et Beauté / Top Models", deux séries de la famille Bell. Quelles sont les principales différences entre les tournages de ces séries ?

KB : Tout d’abord, les épisodes des Feux de l'Amour durent une heure et nos journées commencent donc bien plus tôt. Quand j’y étais, il y avait les répétitions le matin, puis le maquillage et la coiffure et ensuite on tournait. On filmait un épisode par jour, alors que sur "Amour, Gloire et Beauté / Top Models", on peut tourner deux à trois épisodes dans la journée. On s’occupe du maquillage et des cheveux le matin, puis on répète uniquement les mouvements et déplacements avant de tourner directement la scène. C’est plus concentré et ça va plus vite. Dans les Feux, on procède un peu plus doucement mais comme c’est plus long, on utilise deux plateaux en parallèle. Ce sont de longues journées, cela va plus vite sur AGB/TM. Même si parfois, quand il y a des défilés, ou pour les scènes dans l’allée derrière le Giardino, par exemple, il a pu arriver qu’on commence à 06h30 le matin pour finir à 01h30 le soir ! Mais la plupart du temps, c’est très bien organisé et fluide, et nous finissons nos journées vers 17h00.

S.P : Quelles sont les différences entre les tournages des années 90 et ceux d’aujourd’hui ?

KB : Quand j’ai commencé dans les Feux de l'Amour, un certain nombre d’acteurs utilisaient des fiches… Mes professeurs m’ont toujours recommandé de ne jamais utiliser de fiche ou de prompteur, de toujours mémoriser mes dialogues. Je ne dirai pas quels acteurs y recouraient, mais c’était très perturbant car ils étaient concentrés sur leur prochaine réplique au moment où je leur parlais au lieu de me regarder. C’est une très mauvaise habitude qui a heureusement disparu… Aujourd’hui, on ne les utilise plus que pour des acteurs âgés qui peinent à mémoriser leur texte. Dans les soaps, tout va très vite. Nous tournons en une journée ce qu’une série primetime tourne en dix jours. Nous tournons en dix jours ce qu’un film de cinéma tourne en deux mois et demi ! Nous avons une montagne de texte à apprendre. Dans le cas de Sheila Carter, elle se parle souvent à elle-même et ce sont de très longs textes à mémoriser. C’est une habitude à prendre, plus on le fait et plus c’est facile. Je conseille toujours aux jeunes comédiens d’apprendre leur texte par cœur pour être parés à toute éventualité.

S-P : Quelle période a été la plus facile ou la plus "fun" à tourner ?

KB : Je ne sais pas s’il existe vraiment des périodes plus faciles, mais j’adorais travailler avec Susan Flannery (Stephanie Forrester). Susan est une actrice très forte et je pense que les scènes entre Sheila et Stephanie font partie de mes meilleures. Encore aujourd’hui, j’aime les scènes dans lesquelles on se réfère à son personnage, comme celle où Sheila l’imaginait en enfer et lui parlait. J’aime aussi beaucoup travailler avec Jacqueline MacInnes Wood (Steffy Forrester) qui est elle aussi une actrice très puissante. Mais en fait, j’aime travailler avec tous les acteurs car chacun de leurs personnages fait apparaître une facette différente de Sheila. Je me sens proche de Jacqueline car elle est à une période de sa vie qui me rappelle moi-même au même âge. Elle rentre des studios et doit s’occuper de ses enfants et de la lessive… C’est plus facile pour moi aujourd’hui parce que mes enfants sont grands et que j'ai moins de soucis à gérer en parallèle.

S-P : Espérez-vous un crossover avec "Les Feux de l'Amour", où Lauren ignore toujours le retour de Sheila ?

KB : Je suis toujours heureuse quand j’ai l’occasion de jouer Sheila. S’ils souhaitent que je revienne dans les Feux de l'Amour pour dire bonjour à Lauren, je le ferai avec un grand sourire, je serai heureuse de voir Lauren tomber de sa chaise ! (Rires…) Elle est du genre à s’évanouir facilement… Je l’aiderais à se relever et je lui proposerais qu’on reparte pour un tour !

S-P : Ce serait très amusant à voir pour nous !

KB : Tracey E. Bregman est une très forte personnalité et j’ai toujours adoré travailler avec elle. Je pense que la différence entre Sheila et Lauren est que celle-ci est très égocentrique, elle est PDG, elle a le pouvoir. Elle est très sûre de sa force et de son bon droit, sauf en présence de Sheila. Cela la rend plus intéressante car ça l’oblige à sortir de sa zone de confort.

S-P : Quelle a été votre plus grande surprise dans le parcours de Sheila ?

KB : C’est une question difficile car Sheila se surprend elle-même tout le temps. Elle est amenée à faire des choses qu’elle n’aurait jamais pensé faire un jour. Se battre avec Lauren dans un laboratoire, tenter de noyer Stephanie dans un jacuzzi, tirer sur des gens… ce sont des choses qu’elle n’a jamais souhaité faire ! Dans la vraie vie, quand les gens font des choses horribles, croyez-vous qu’ils voulaient vraiment faire cela ? La plupart du temps ce n’est pas le cas. C’est ce qui me surprend le plus dans mon personnage et je fais pour le mieux avec ce qui est écrit dans mon script. J’essaie toujours de chercher ce qui est intéressant dans les mots qu’on me confie. Je ne réussis pas cela toute seule mais avec l’aide du réalisateur et des producteurs. J’aimerais m’en accorder tout le crédit mais ce serait injuste. J’ai une véritable armée de gens qui m’aident à faire exister Sheila au-delà du texte. Je suis souvent encouragée à aller plus loin, à ne pas me retenir, comme à mes débuts avec la référence à Katie Bates. Ils ne font pas cela avec beaucoup de personnages, mais avec Sheila, il n’y a pas de limite à la folie ni à la méchanceté. Quand on est dirigée de la sorte, on prend plus de coups mais c’est plus intéressant. J’ai beaucoup de chance…

S-P : Est-ce que les réseaux sociaux ont changé quelque chose à votre rapport avec les fans ou à votre travail ?

KB : Quand tout cela a commencé à se développer, je n’ai d’abord pas suivi le mouvement. Je n’avais pas de temps à consacrer à ça. Car en parallèle à ma vie d’actrice, je gère plusieurs entreprises à San Diego où j’emploie plus de 180 personnes. Je n’ai donc pas pris le temps de m’intéresser à tous ces nouveaux aspects du métier qui demandent beaucoup de temps. J’ai commencé à m’impliquer sur les réseaux sociaux l’année dernière, quand je suis revenue dans la série. En fait, c’est principalement ma fille qui s’en occupe pour moi. Elle me réclame des photos, des citations et déclarations et c’est bien plus facile que de poster moi-même mes interventions. Mais aujourd’hui, je sais que les réseaux sont importants pour garder les fans impliqués et intéressés. Je fais de mon mieux mais je n’ai plus vingt ans et j’apprends au fur et à mesure. De toute façon, il y a toute une part de ma vie que je tiens à garder privée. Je suis heureuse d’en partager quelques aspects de temps en temps mais pas plus… Je trouve triste de voir tant de gens "scotchés" à leur téléphone toute la journée, et c’est pire en Amérique qu’ici. En France, les gens dans les cafés se parlent encore, alors qu’en Californie, on voit des familles au restaurant dont chaque membre ne décolle pas de son téléphone. Ils sont plus intéressés par l’actualité des Kardashian que par ce que leurs enfants ont fait à l’école aujourd’hui ! Il ne faut pas laisser les réseaux sociaux empêcher les rapports avec sa famille ! Il arrive que mon fils envoie des textos à sa femme alors qu’ils sont assis à la même table, c’est fou !

S-P : Avez-vous un message à passer à vos fans francophones ?

KB : Je veux tous les remercier sincèrement, car sans l’amour qu’ils ont pour mon personnage, je ne serais pas en train de vous parler. J’ai grandi au sein d’un foyer très modeste et ma mère m’a toujours dit de ne jamais oublier d’où je viens. J’ai toujours cru que je n’ai rien d’exceptionnel, et qu’on ne sait jamais vraiment à qui on parle. Il faut donc toujours traiter les gens avec respect, quelque soit leur titre. Je suis consciente d’être ici aujourd’hui grâce à mes fans et je les remercie pour ça. Je suis toujours impressionnée par la popularité du show quand je vais à l’étranger, comme ici à Paris, en Italie ou récemment en Bulgarie. C’est énorme, c’est incroyable et c’est excitant. Je vous remercie d’avoir pris le temps de discuter avec moi…

S-P : C’est un plaisir et même un honneur…

KB : Merci.

Un grand merci à Kimberlin Brown pour sa disponibilité, sa gentillesse et son humour ainsi qu'à la chaîne RTL9 qui a permis cette belle rencontre !